« Vingt ans de campagnes Equal Pay Day prouvent que l’écart salarial persiste, mais aussi que des avancées sont réalisées. »
Dans la société d’aujourd'hui, le salaire et l’argent restent souvent un sujet de conversation inconfortable et délicat. Une enquête réalisée dernièrement par Ipsos à la demande du mouvement féministe progressiste ZIJkant révèle que près de la moitié des Belges ne savent rien du salaire de leurs amis, collègues ou supérieurs. Les femmes semblent être les plus grandes victimes de ce tabou : plus de six sur dix n’ont aucune idée du salaire des collègues exerçant des fonctions différentes.
Ce manque de transparence perpétue l’écart salarial entre femmes et hommes, qui s’élève encore à 21 % selon l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes. En réaction à ce problème, ZIJkant fera campagne dans les gares de Flandre et de Bruxelles le 18 mars et invitera les passants à choisir s’ils préfèrent répondre à des questions gênantes sur leur vie intime ou sur leur salaire. Julie Van Garsse, directrice de ZIJkant, est à la tête de l’organisation qui organise l’Equal Pay Day, prévu cette année le 17 mars 2024.
Nous nous sommes entretenus brièvement avec Julie Van Garsse au sujet du thème de l’EPD 2024.
FGTB Métal : L’EPD 2024 traite du tabou entourant la transparence des rémunérations, qui peut surtout être désavantageux pour les femmes. Y a-t-il un mécanisme paternaliste derrière cela selon vous ?
JV : « L'inégalité salariale peut se développer tranquillement en l'absence de transparence, c’est un fait. En maintenant le tabou et en ne communiquant pas clairement sur le salaire moyen au sein d'une entreprise, il est facile d’octroyer des privilèges à certaines personnes et pas à d’autres. Cela désavantage les femmes, mais aussi d’autres groupes qui ne font pas partie du réseau des « old boys ». Ils ne répondent pas à l’idéal classique, encore souvent masculin, du travailleur ou de l’employeur. Et des études démontrent que, même si les femmes sont prêtes à travailler d’arrache-pied, les employeurs ont tout de même plus tendance à inviter un homme pour un entretien d’embauche lorsque la fonction implique une promotion. Ces femmes pourraient tomber enceintes ou devoir soudainement prendre en charge un parent malade. Mais tant qu’une entreprise ne joue pas cartes sur table, les travailleurs ne découvrent pas qui gagne plus ni pourquoi. Il s’agit donc sans aucun doute d'un mécanisme paternaliste destiné à couvrir les travailleurs privilégiés. C'est aussi ce que nous voulons démontrer avec le clip absurde de notre campagne : les gens tiquent lorsqu'on leur demande combien ils gagnent. »
FGTB Métal : Selon ZIJkant, que peut faire le syndicat pour briser le tabou entourant les salaires ?
JV : « Beaucoup de choses. C’est en partie grâce à la présence des syndicats que des outils juridiques tels que la loi sur l’écart salarial peuvent fonctionner. Le syndicat peut également taper du poing sur la table en ce qui concerne la transparence salariale et renvoyer à la future directive européenne qui oblige les employeurs à communiquer ouvertement sur les échelles salariales moyennes des travailleurs qui effectuent le même travail ou un travail équivalent, ventilé par sexe et avec tous les critères utilisés. Selon la directive, les candidats doivent aussi avoir accès à toutes les informations concernant les salaires dans l’offre d’emploi publiée et les employeurs ne peuvent pas demander leur dernier salaire. En outre, les entreprises sont tenues de faire état de l’écart salarial. En ce qui concerne l'obligation d’information et l'évaluation des rémunérations, la directive sur la transparence des rémunérations confie également des tâches au syndicat. Enfin, le syndicat peut bien sûr continuer à mener des actions pour une plus grande égalité salariale. Vingt ans de campagnes Equal Pay Day prouvent que l’écart salarial persiste, mais aussi que des avancées sont réalisées. »