8 mars Journée des femmes : pourquoi l'accord gouvernemental est une mauvaise nouvelle pour les femmes dans l'industrie
Chaque 8 mars, la Journée internationale des femmes attire légitimement l’attention sur les inégalités persistantes entre femmes et hommes. En Belgique, les chiffres de l’ONEm, du Conseil économique et social de Flandre (SERV) et du Conseil central de l’économie (CCE) montrent que l’actuel accord gouvernemental risque d’accentuer ces inégalités. Cette situation touche particulièrement les femmes dans l’industrie, qui doivent faire face à des conditions de travail pénibles et irrégulières, à un taux de maladie plus élevé et à un écart salarial qui ne cesse de perdurer.
Réduction de la prime de travail de nuit et viabilité du travail en équipes
Les femmes actives dans l’industrie sont souvent confrontées au travail en équipes et de nuit, qui représente non seulement une lourde charge physique et psychologique, mais complique également la conciliation avec les responsabilités familiales. L’accord gouvernemental prévoit cependant une suppression partielle de la prime de travail de nuit, qui compensait en partie les horaires irréguliers et les risques pour la santé. Selon la plus récente Workability Monitor du SERV, seuls 48 % des travailleurs soumis à des horaires irréguliers considèrent leur emploi « faisable » ; ce qui pénalise donc davantage les femmes.
Extension de la flexibilité : une pression supplémentaire
Par ailleurs, l'accord poursuit l’extension de la flexibilité au travail, par exemple en assouplissant les règles relatives aux contrats temporaires et à temps partiel. À première vue, cette flexibilité peut sembler attrayante ; en pratique, elle se traduit souvent par des horaires moins prévisibles, des statuts précaires et une charge mentale accrue pour jongler entre vie professionnelle et vie privée. Dans l’industrie, où la pression est déjà forte, cette « ouverture » vers davantage de flexibilité aggrave plutôt les contraintes. Les travailleuses, notamment, constatent que la grande imprévisibilité de leurs horaires les oblige à trouver en dernière minute des solutions de garde ou d’assistance, renforçant de facto l’inégalité.
Maladie et contrôles : un obstacle de plus
Sur le plan de la santé, la pression augmente également. Les chiffres de l’ONEm indiquent que les femmes dans l’industrie s’absentent plus souvent pour des raisons professionnelles liées à leur santé. Dans le cadre du nouvel accord gouvernemental, la politique de contrôle des absences de longue durée se durcit et les sanctions potentielles peuvent intervenir plus rapidement. Cela rend plus difficile une convalescence adéquate, alors que des investissements structurels dans la prévention et la réintégration digne du personnel font défaut. Cette plus forte pression concerne particulièrement les travailleuses, qui cumulent horaires irréguliers et charges familiales, et se retrouvent alors plus vulnérables face aux sanctions et à la perte de revenus.
Écart salarial et restriction des droits en matière de pension
L’écart salarial reste important. Le CCE l’estime à environ 9 à 10 % en termes de salaire horaire, mais il s’élargit encore davantage lorsqu’on tient compte des salaires mensuels (notamment à cause du travail à temps partiel). De plus, dans l’industrie, les femmes travaillent souvent sous contrat intérimaire ou à la journée, ce qui compromet leurs perspectives de carrière et leur constitution de droits à la pension. La suppression ou la limitation de certaines assimilations en matière de pension, par exemple pour les périodes de crédit-temps ou de congés thématiques, frappe avant tout les femmes qui connaissent des carrières interrompues et se retrouvent ainsi avec des droits à la pension amoindris.
Un appel à l’action
La Journée internationale des femmes n’est donc pas seulement un moment de solidarité, mais aussi un appel à l’action. Sandra Gabriëls, conseillère pour la FGTB Métal qui suit la Commission genre, l’exprime avec force :
« Une véritable égalité signifie des droits égaux, des chances égales et une égale reconnaissance pour chacun, indépendamment du genre. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que l’égalité se réalise d’elle-même. Nous devons agir et exiger nous-mêmes cette égalité dans ce que nous sommes et dans notre façon de nous affirmer. Comme l’a si bien formulé Audre Lorde : “Je ne cacherai plus ma vérité pour que les autres se sentent à l’aise.” »
Ce constat s’applique tout particulièrement aux femmes de l’industrie, qui subissent déjà des horaires contraignants, un revenu limité et des conditions de plus en plus strictes en matière de maladie et de pension. En l’absence d’un soutien ciblé et de mesures correctives — notamment une compensation suffisante pour le travail irrégulier, le maintien des périodes assimilées en pension et la mise en œuvre de réelles mesures pour améliorer la sécurité et le bien-être sur le lieu de travail — ce sont elles qui risquent le plus de reculer. La Journée internationale des femmes ne peut donc pas se limiter à une célébration symbolique, mais doit résonner comme un signal fort visant à infléchir la politique en faveur de toutes les femmes qui travaillent.